Je suis un artisan ou un designer ? Sûrement juste un bricoleur à la petite semaine. C’est quoi le problème ? Ce mot n’est pas assez beau, pas assez professionnel ? Pourtant si effectivement l’artiste est un « artisan inspiré » l’artisan lui, est un bricoleur spécialisé. Et le designer ? Un bricoleur inspirant l’industrie ? Bricoleur du dimanche, artisan d’art, designer auteur. Si l’on ne s’y perd pas on s’y enferme. Tu t’inscris à la news letter du Fraap, ils te demandent ton activité. Un mec te demande ce que tu fais, et ce n’est pas le moment de rentrer dans les détails, je dis artisan. Même si en ce moment je passe plus de temps derrière mon ordi que dans un atelier… Big problème, réfléchir à pourquoi je construis plutôt que le faire, pourquoi pas. Mais pas toute une vie je m’en supplie. Transmettre une idée par un mouvement, c’est parfois évident. Mais la plupart du temps, j’ai juste envie d’accueillir l’utilisateur, de le taquiner, de le faire sourire, de le caresser dans le sens du poil. Très bien pourquoi pas, ça me plait ! Mais pour l’instant à chaque fois que je dessine un bureau, j’ai envie d’inviter le mec à travailler. Si je fais ça toute ma vie, toi comme moi on risque de s’ennuyer. Pourquoi ? Parce j’aurai l’impression qu’un truc m’échappe, un petit rien à côté duquel je suis passé. Dessiner avec ce sentiment, fabriquer mon objet avec un manque de conviction, ne me convient pas. Douter fait partie du processus créatif, certes. Mais s’il est trop présent au long de ce fameux moment, si mes mains ne sont pas convaincues, l’objet ne peut pas être habité. Alors que quand j’y crois, ça se voit. Scanner des photos, rotation, diaphragme. Scanner des photos, rendre l’ancien actuel. Scanner des photos, translation, lumière. Mettre en avant les calanques, le roulis, la pierre. Déplacer un bureau, jambes, mimétisme. Ôter mon chapeau, ma capuche devant l’école, laisser un espace d’expression à d’autres artistes, la calade. M’incliner devant les Eames, siège écritoire, fonderie d’aluminium. Mais comme les Eames, un objet qui est bien réfléchi à plus de valeur à mes yeux qu’un objet qui fait réfléchir. À quoi bon écrire une dissertation dans un langage cinématique, s’il a besoin d’une explication écrite ? Pourquoi conceptualiser un bureau alors qu’il doit être fonctionnel, efficace et durable ? Pourquoi jouer les grands créateurs théoriciens alors que si l’on a fait appel à moi c’est pour ma logique constructive. Pourquoi jouer les artistes contemporains si c’est d’une dizaine de doigts d’artisan dont on a besoin ? Suivre d’autres idées, filer une approche différente, prendre le temps de repartir de zéro fut fructueux. C’est avec l’assurance nécessaire que je sors de l’ornière. Je peux maintenant compter sur mes deux mains pour que ma première intention soit palpable.

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