Des bidonvilles de Dehli aux camps de réfugiés de Calais en passant par la ville fantôme qu’est Détroit ont émergé de nouvelles formes de structures sociales. Le point commun entre ces groupes d’individus est leur mise en marge du marché et/ou des services publics. Cette marginalité donne lieu à une gestion de l’organisation et l’aménagement des biens et services communs par les habitants de ces territoires, qui font preuve d’ingéniosité pour inventer des alternatives aux échanges marchands habituellement répandus. Ateliers de réparation de matériel usagé, économie du temps, partage de cultures… sont autant de cas inspirants que nous voyons apparaître dans nos villes sous des appellations différentes : repaires café, économie de temps, jardins partagés, fermes urbaines… sont autant de pratiques qui proposent des alternatives à l’habitation du territoire, pour une transition économique et écologique, qui au passage redessine le tissu social en réinventant les relations que les habitants entretiennent avec leur territoire, leurs élus et leurs voisins tout simplement. Ce sont ces pratiques innovantes que l’on appelle aujourd’hui « innovation sociale ».

Nous voyons cependant cette dénomination apparaître et s’assumer en Europe à la fois par les citadins non marginalisés de « pays riches », que chez les acteurs institutionnels notamment politiques : La Commission européenne a par exemple mis en place des appels à projets et bourses de financement de projets « d’innovation sociale ».

Faire de l’innovation sociale, c’est participer à la transformation de la société en réalisant et en mettant en application à petite échelle des idées très concrètes. Puis leur mise en réseau et leur valorisation à échelle municipale ou nationale permettent une dissémination des cas inspirants. C’est une façon rapide de proposer des alternatives à des problématiques complexes en sollicitant un maximum d’acteurs, tant dans la sphère privée que publique, et de ce fait apporter des propositions parfois inattendues. Il y a quelques années, Karl Marx, en affirmant que la religion était « l’Opium du peuple » marquait, par cet ouvrage, la transition philosophique majeure de son époque que représentait le glissement des espérances que l’individu portait au divin vers le fait politique. L’engagement politique était alors le moteur de pensée. L’état, a fortiori le fait politique, devenait ainsi le corps dans lequel l’homme investissait son espoir pour de meilleurs lendemains. Seulement je pense que « le grand soir » n’étant jamais arrivé, la ferveur a laissé place au désenchantement, in fine la confiance et l’espoir placés dans le fait politique se sont transformés en frustration et en défiance à l’égard du personnel politique. 

Le modèle économique que représente le capitalisme libéral, avec toutes ses promesses, a maintenu sa position et s’est accru. Il apportait confort de vie, stabilité économique dans les foyers, avec le progrès rapide de l’innovation technologique comme fer-de-lance. Le marché est devenu un idéal dans lequel mettre tous ses espoirs. Porté par les nations de l’ouest démontrant que les progrès rapides ne laissaient présager que de meilleurs lendemains. Le modèle économique a vite conquis les esprits réticents, et les nations de l’Est ont pris leurs places dans ces échanges internationaux. Cette ouverture des marchés a entrainé, outre le commerce des matières premières, une délocalisation des moyens de production vers les pays où les charges salariales étaient les moins élevées, et l’évolution technologique des moyens de productions a considérablement réduit, sur notre territoire, la pénibilité du travail, développant au passage les métiers de service, de développement et de conception. 

Cependant, je m’engage à dire que ce modèle ait atteint des limites incontestables. Je pense notamment au fait que cette économie politique déséquilibre nos processus démocratiques, à titre d’exemple, la ville de Bruxelles qui accueille entre autres la Commission européenne (33 000 fonctionnaires) serait d’après le Corporate Europe observatory l’hôte* de 30 000 lobbyistes. 

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