Mallet-Stevens a conçu la maison dont nous donnons aujourd’hui quelques vues. Ce qui est intéressant dans cette construction, ce sont : 1 ° le grand confort obtenu, grâce aux derniers perfectionnements de la technique moderne ; 2 ° le prix de revient extrêmement bas de l’ensemble ; 3 ° le fait que maison, jardin, décoration et meubles sont l’œuvre d’une même personne. On peut donc résumer en trois mots les caractéristiques principales de cette maison : nouveauté, économie, unité.
Le programme était relativement simple : édifier une habitation pour une famille de 9 personnes sans les domestiques. Avoir pour un prix peu élevé le maximum de confort. Le vrai luxe ne consiste plus à surcharger les murs de tapisseries dorées, à voiler les fenêtres de rideaux épais, à posséder une armée de serviteurs entretenant des feux, courant pour venir aux ordres, se déplaçant en tous sens pour un service difficile et compliqué. Le vrai luxe, c’est vivre dans un cadre lumineux et gai, largement aéré, bien chauffé, le moins de gestes inutiles, le minimum de serviteurs. C’est ainsi que dans la maison de M. C. les baies métalliques à guillotines se manœuvrant de l’intérieur par manivelles sont très grandes, laissant entrer à flots l’air et la lumière ; l’éclairage électrique est presque partout indirect, donnant le maximum d’éclairement pour le minimum de fatigue des yeux ; le téléphone est dans toutes les pièces, évitant les allées et venues inutiles ; l’heure est distribuée électriquement dans tous les locaux ; des haut-parleurs de T. S. F. sont également encastrés dans toutes les pièces de l’habitation ; balances, baromètres sont encastrés dans les salles de bains ; trois robinets versent l’eau chaude, l’eau froide et l’eau adoucie (sans calcaire). Bien entendu, la glacière, l’ascenseur, le monte-plats des terrasses, les appareils de la buanderie sont électriques. Tous les coupe-circuits de la maison entière sont montés sur un seul tableau dans une pièce spéciale où sont placées également les piles du téléphone d’intercommunication. Les meubles des cuisines, office, lingerie sont en acier ; le fourneau est au gaz, le chauffage au mazout commandé par thermostat.
Est-ce là du luxe ? Oui et non. Avoir une salle de bains, une douche près de sa chambre, un appareil d’éclairage dans le mur pour lire au lit, un store en bois commandé de l’intérieur pour voiler sa fenêtre, une seule clé ouvrant des dizaines de serrures, ne seront bientôt plus « un luxe » comme on l’entend aujourd’hui. Dans un avenir proche, il faut le souhaiter, les autorisations de bâtir seront refusées à quiconque aura oublié la salle de bains. De nos jours, les chutes de W.-C. sont taxées ! Le sens du confort viendra vite quand nos législateurs auront compris que l’hygiène pour un peuple peut présenter quelque intérêt. Mais tous ces perfectionnements, toutes ces inventions du bâtiment ne seraient que peu de choses si le plan de la maison ne les utilisait pas pour en tirer le maximum. Et c’est alors qu’il faut jeter un coup d’œil sur les plans de Mallet-Stevens ; depuis les caves on sent l’ordre qui a présidé à la mise en place de chaque élément. L’ascenseur, par exemple, descend au sous-sol pour établir une communication directe entre la maison et le garage particulier, disposé en bas et auquel on accède par une rampe. Au rez-de-chaussée, une lampe témoin rouge indique tout de suite si les caves sont éteintes ou non. Le monte-plats dessert chaque étage et la terrasse supérieure. Bien entendu, la maison entière est couverte en terrasses. On a partout l’impression que tout a été prévu pour éviter des pas inutiles. La « circulation » est très étudiée. L’agrément du « home » ne fut pas non plus négligé. En voici quelques exemples : de chaque lit on peut écouter la T. S. F. ou l’interrompre à volonté. La salle de jeux des enfants peut aisément se transformer en salle de petit théâtre ; la balustrade de la partie haute, formant scène, est mobile, un rail disposé dans l’appareil d’éclairage qui barre le fond de la pièce peut soutenir un rideau, les prises de courant sont prévues pour alimenter une rampe et des projecteurs. Une grande piscine de 27 mètres de long peut être coupée à 25 mètres permettant toutes les compétitions de natation : 2 plongeoirs en béton armé, 2 m 80 de fond d’eau. Toute la maison est nourrie par le potager, toute la maison est fleurie par le jardin fleuriste, serres et carrés de fleurs, chaque carré fleurissant à une époque différente de l’année. Un grand miroir d’eau (30 centimètres de fond) reflète la maison l’été et sert de patinoire l’hiver (longueur : 72 mètres).
Quant à la construction, le bâtiment est établi sur un radier en béton armé, le dessous étant drainé. L’ossature est en béton armé, les murs en briques pleines vers l’extérieur et briques creuses vers l’intérieur. Les briques que l’on voit sur les photos sont des plaquettes de mêmes dimensions appliquées sur les briques pleines et le béton. Aucune de ces plaquettes n’est coupée. Toutes les saillies, tous les décrochements, tous les plans, toutes les baies sont un multiple de plaquettes, en hauteur et en largeur si bien que tous les joints tombent juste. Les milliers de plaquettes formant le revêtement étaient numérotées sur les dessins d’exécution. Et cette perfection dans l’exécution est peut-être un luxe, mais il faut l’avouer, le résultat récompense la minutie d’un tel travail.
Quelques détails : la tuyauterie de mazout est en cuivre, celle du chauffage central en fer, celle de l’eau froide en plomb, celle de l’eau chaude en cuivre. Certaines pièces, désirées très insonores, sont doublées en béton cellulaire. Tous les buis employés pour la décoration intérieure sont des bois ordinaires : chêne, sycomore, poirier, tobasco, noyer (sauf la chambre à coucher des maîtres qui est en palmier). Les cache-radiateurs, les béquilles, les plaques de propreté, les robinets, les tuyaux apparents, les pênes de serrures, les rails des rideaux, etc. sont pour la plupart en cuivre chromé, quelques-uns sont en aluminium poli. De très nombreuses armoires sont encastrées dans les murs permettant d’avoir partout sous la main le linge, les vêtements, les ustensiles de ménage, etc. Tous les parquets sont en mosaïque de bois afin d’éviter les joints creux. Toutes les caves sont carrelées. Des prises de courant permettent le nettoyage par le vide de tous les locaux. La buanderie, avec séchoir, machine à laver, essoreuse, callendreuse, etc., est disposée pour laver tout le linge de la maison. Est-il utile de signaler pour terminer : que la maison est orientée vers le sud et que toutes les pièces sont au midi sauf bien entendu : la cuisine, la lingerie, les débarras, offices, dégagements, etc. Il y a lieu, nous pensons, de féliciter l’architecte pour la réalisation d’une œuvre aussi complète, mais aussi son client qui a « osé ». Car bien souvent certains architectes réaliseraient des œuvres de premier plan comme celle que nous venons de décrire brièvement, si leur client les y autorisait. La collaboration « architecte-client » est indispensable ; on voit que lorsque celle-ci est complète et dirigée dans le bon sens, le résultat est excellent.
L’installation électrique
L’installation conçue par Mallet-Stevens dans la propriété de M. C. à Croix, constitue, tant par son ampleur, que par la multiplicité des dispositifs adoptés, une des applications les plus complètes de la technique électrique à la décoration et aux usages domestiques.
Principe de l’installation électrique
Tous les circuits lumière et force aboutissent à un tableau unique portant les coupe-circuits calibrés, les différents télérupteurs, distributeurs et appareils de contrôle. Ce tableau réalisé en bakélite noire est prévu avec charnières permettant une visite facile de toutes les connexions. L’alimentation peut être effectuée, soit par le secteur, soit par un groupe de secours avec inverseurs permettant le passage de l’un à l’autre. De ce tableau partent les différents circuits qui aboutissent à des boîtes de visite placées dans les différentes pièces. Les lignes provenant des ouvrages lumineux, les circuits d’interrupteurs et de prises de courant, aboutissent également à ces boîtes de visite où ont été exécutées toutes les connexions secondaires. On a pu ainsi réaliser toute l’installation sans aucune épissure. Les canalisations dans les tubes d’acier généralement posées sur le sol avant la mise en place des parquets, ont été passées entièrement par aiguillage à la fin de l’installation, et il est extrêmement facile de remplacer un fil quelconque malgré l’encastrement des tubes. Ou se rend facilement compte des avantages de cette méthode de montage pour la sécurité de l’installation sur celle qui consiste à établir de nombreuses dérivations sur les lignes même dans des boîtes de connexions. Tous les circuits des autres applications que l’éclairage (pendules, T. S. F.), ont été exécutés de la même façon.
Éclairage
L’éclairage de chaque pièce a fait l’objet d’une étude particulière en liaison avec le projet de décoration. On trouve, toutefois dans l’ensemble des dispositifs adoptés, des caractéristiques communes qui peuvent se résumer comme suit : Les principaux ouvrages utilisent en général le principe de l’éclairage indirect localisé, et des surfaces de brillance constante. Celles-ci se composent le plus souvent de bandes cylindriques de section circulaire avec lampes placées, soit au centre du cercle, soit sur une génératrice du cylindre (la brillance de la surface étant ainsi sensiblement uniforme, ainsi que nous l’avons démontré d’autre part). Les dimensions des éléments cylindriques, leur rayon de courbure, le nombre des cylindres éclairés varient dans les différentes pièces suivant l’éclairement à obtenir et les proportions à respecter conformément au désir de l’architecte. Le choix de Mallet-Stevens et le nôtre se sont fixés sur ces dispositifs qui utilisent en général la presque totalité du flux des lampes évitant ainsi les consommations exagérées et qui permettent d’obtenir des surfaces d’une brillance suffisante pour créer une atmosphère gaie et agréable.
Dans certaines pièces, d’autres procédés ont été employés, par exemple dans l’une d’elles le nouveau « Tigralite » à 360 ° de Jean Dourguon éclairant une surface circulaire blanche au plafond. Dans les pièces annexes, les appareils utilisés sont des diffuseurs (en général des boules opalines). Nous avons résumé dans le tableau ci-contre les principales caractéristiques des ouvrages de l’installation.
Téléphone
Un réseau extrêmement complet de 19 postes d’intercommunication de la Compagnie des Téléphones Thomson-Houston assure une liaison complète entre toutes les pièces entre elles et avec la ville, et économise ainsi tous les déplacements inutiles du personnel domestique. Ainsi que l’a voulu Mallet-Stevens, cette disposition crée une petite révolution dans les usages domestiques : pourquoi, en effet, appeler par une sonnerie, pour expliquer ce que l’on désire, et provoquer ainsi 2 déplacements au lieu d’un, alors qu’il est infiniment plus simple de donner les ordres par téléphone, ainsi qu’il est d’usage courant dans les bureaux. En application de ce principe, l’installation sonnerie a été par contre, extrêmement simplifiée, et comporte simplement 1 bouton à chacune des portes d’entrée, et 1 à la salle à manger.
T.S.F.
Pour une des premières fois, croyons-nous, il a été prévu en même temps que la : construction, tout un réseau de canalisations destiné à être relié à 9 haut-parleurs placés dans les différentes pièces, ceux-ci étant alimentés par un poste unique de T. S. F. ou de phonographe électrique placé dans le hall. Le schéma est complété par une série de rhéostats et d’interrupteurs qui permettent à chacun des usagers, soit de régler le volume du son, soit de mettre en circuit ou hors circuit le haut-parleur dans la pièce correspondante. De plus, il est possible à la personne qui, la dernière utilise le réseau, d’arrêter de sa chambre le poste central. Dans le grand hall, il est prévu 3 haut-parleurs avec un dispositif stéréo-acoustique de M. Gamson et Solima permettant par le jeu de filtres la spécialisation de chacun des haut-parleurs dans une gamme de fréquences, et de réaliser ainsi dans cette grande pièce un véritable orchestre.
Pendules électriques
Un réseau de 20 pendules électriques Garnier avec pendule-mère dans l’office, distribue l’heure dans les différentes pièces. La majeure partie des pendules sont encastrées dans les murs, ainsi que les canalisations.
Applications électriques diverses
De nombreux appareils domestiques sont également en service dans cette propriété : moteurs d’ascenseurs et monte-plats, moteur des pompes élévatrices d’eau, alimentation des brûleurs à mazout, machines à laver et à repasser, appareil frigorifique, chauffe-peignoir électrique, moteurs d’ascenseurs, etc. constituant ainsi un ensemble vraiment moderne qui facilite grandement la tâche du personnel employé dans cette vaste propriété.
André SALOMON.
Le chauffage au mazout Le chauffage par le mazout de l’immeuble de M. Cavrois est assuré par les brûleurs « QUIET MAY » de la Société « CHALEUR et FROID », 32 avenue Rapp, Paris. Les conditions requises de confort, de propreté, de moindre gêne imposaient la parfaite automaticité de l’installation. La séparation du circuit principal de chauffage et du service d’eau chaude a conduit à l’emploi de deux chaudières équipées chacune d’un brûleur « Quiet May » du type approprié. Brûleur entièrement automatique, gouverné par un contrôle triple : thermostat d’appartement, plus deux organes de sécurité convenablement enclenchés. Pulvérisation mécanique de l’huile sous haute pression : parfaite atomisation, combustion sans déchets, ni défauts d’allumage. « Bien conçus, bien construits, bien installés », 900 brûleurs fonctionnent en France. L’installation de ces brûleurs a été confiée par la Société « Chaleur et Froid », aux Etablissements Beuque et Maillard, ses agents pour la région du Nord. Quelques collaborateurs Léon PLANQUART. – 222, Grande Rue à Roubaix. Etabl. SULZER. — 7 avenue de la République à Paris. CHALEUR ET FROID. —32, avenue Rapp, à Paris. Agents à Roubaix : F. Beuque et G. Maillard, 57, bld de Montesquieu. Louis ALLARD Fils. — 24 rue Notre-Dame à Roubaix. Anciens Etabl. ANCONETTI. — 19 rue Corbeau à Paris. Charles BLANC. — 42 et 42 bis boulevard Richard-Lenoir à Paris. Georges MOSER et Cie, Jardins. – 5, rue St.Symphorien, Versailles. CIE DES TÉLÉPHONES THOMSON-HOUSTON. — 251 rue de Vaugirard, Paris.