J’ai grandi en ayant bien en tête que c’était la crise. Je me souviens de deux fins du monde imminentes depuis que je suis là, des crises financières, des guerres pour la paix, du terrorisme galopant, du nationalisme émergeant, du fondamentalisme religieux et laïque, de la crise sanitaire, des durcissements des mesures sanitaires/restrictives, de l’endettement publique, des investisseurs dubitatifs, etc. C’est pas pour dire qu’on ne grandirait pas bien là-dedans, j’ai eu la chance de ne manquer de rien (ou bien de ne pas savoir manquer de quelque chose, ce qui n’équivaut pas à ne manquer de rien, mais on va dire comme ça), c’est que tous ces drames font partie d’un traumatisme plus grand, j’oserai dire d’une génération entière, voire de plusieurs, pas non plus qu’on s’y habitue à ces traumas, mais quand même je crois que ça commence à faire partie en quelque sorte d’une arrière-pensée importante, voire même de la base de toutes nos pensées successives.
Et il faut y vivre dans tout ça, dans l’urgence sanitaire, dans l’urgence nationale, dans l’urgence climatique, dans l’urgence culturelle, dans l’urgence des poubelles, à devoir sauver l’économie, sauver le pays, sauver la culture, sauver la biodiversité, sauver les espèces en voie d’extinction, sauver la planète, penser écologique, consommer biologique…
(Le sens de culpabilité globalisé se vend d’ailleurs plutôt bien…)