Lucie EVANS-TRÉBUCHET – Dnsep 2019
Là où l’objet semble marqué par un trait qui le cercle et le définit,
son design, il est en fait immédiatement associé à des évocations, des
souvenirs, ou des cadres esthétiques qui nous le font trouver beau ou
laid, par exemple. Bien que son dessin soit précis, il est toujours à bords
flous qui ne se donne à nous qu’associé à un imaginaire mêlé à ce qui
l’a produit, indissociable du reste du réel. J’aimerais que vous preniez
l’image d’un objet qui nous fait signe, qui nous appelle. Ce n’est plus
tant nous qui regardons l’objet (placé devant nous), mais lui qui nous
regarde (nous face à lui). Il nous attrape dans ses filets, dans cette
capture du désir, et s’impose à nous. Il matérialise ce que nous désirons,
il est l’incarnation même de notre désir. Ici, là, il nous tient autant que
nous tenons à lui ! Il regarde en nous et voit de nous quelque chose que
nous saurions incapables de voir nous-mêmes…
Quel est l’objet de notre désir ? Le connaîtrons-nous un jour ? Cette
façon d’être regardé par le point aveugle de ce que nous désirons est
renforcée de manière exponentielle par ce qui semble aujourd’hui un
terme devenu presque désuet, tant il fait partie de l’indiscutable de
notre monde : la société de consommation. Ta da dam, la fameuse !
La dimension industrielle qui multiplie les objets à l’infini, dans une
sérialité à donner le vertige, l’industrie de captation du désir par les
objets qui donne à l’idée de vitrine une dimension mondiale. La vie
éphémère des objets dans cette présence extrêmement forte pour
un moment fugace. Le système de la mode accélère cette logique
du renouvellement forcé faisant violence tant aux objets qu’aux
hommes ! La consommation est un acte de destruction. La dégradation
irrémédiable d’une chose par son usage, son anéantissement, le fait
qu’elle soit parvenue à sa fin. Une fin anticipée, bien sûr.
Ici se produit la guerre de séduction sans merci où chaque objet doit se
montrer plus désirable de l’autre à nos yeux, pour exister. Il est obligé
de se faire menaçant par-delà une frivolité factice. Dans le rapport
impérieux d’appropriation où il se présente à nous à travers le discours
publicitaire, il nous intime l’ordre de jouir — jouir de lui ou jouir à
travers lui.