LE STYLO À BILLE « CRISTAL »
les « choses » du quotidien
Qui pourrait se targuer de ne jamais l’avoir utilisé gour griffonner un mot ? De ne jamais avoir mâchouillé son petit capuchon noir ? Elle est belle, n’est-ce pas, la « pointe Bic », quand on prend le temps de l’observer ?
Son corps hexagonal s’inspire du crayon-mine. Transparent, il dévoile la colonne d’encre dont on peut vérifier le niveau, une encre que la bille ne libère qu’en courant sur le papier. L’encre est protégée de la poussière par un petit bouchon de la même couleur, qui ferme le stylo. Quinze ans plus tard, l’« Orange » — la version à pointe fine — viendra rejoindre son grand frère. Depuis, le Bic, comme on l’appelle familièrement, s’il n’est pas le premier stylo à bille de l’histoire, est le plus célèbre.
à la pointe du progrès
Les soldats américains n’apportent pas seulement à la Libération les Lucky Strike et les collants en nylon, mais aussi le stylo à bille, tout récent. Marcel Bich, propriétaire d’une société de stylos à plume, reprend et améliore ce nouvel outil encore fruste : l’encre n’est pas stable, et elle sèche, ce qui provoque des pannes répétées ou des fuites incontrôlées. Il utilise des tours d’horlogerie — pour leur qualité de précision —, et met au point une bille parfaitement sphérique qui roule lorsque l’on écrit. Le « Cristal » est né. Produit de grande consommation, jetable avant la lettre, il touche tout le monde : un symbole de la démocratisation, « éloge à l’écriture économique ».
Ironie de l’histoire ou juste retour des choses, le Bic fait partie du patrimoine américain au même titre que Coca-Cola. Vendus à plus de vingt milliards d’unités depuis leur création, la success story des Bic — mais aussi des briquets et rasoirs jetables de la marque — n’est pas due au hasard. Marcel Bich a très vite compris qu’obtenir la meilleure qualité au moindre prix passe par la production de masse, mais aussi par l’innovation permanente — perfectionnement des produits et des processus de fabrication — et la diversification. Ainsi, le « Cristal » et l’« Orange », s’ils sont restés les mêmes en apparence, ont subi de multiples améliorations – plus grande légèreté, affinement du capuchon… Ainsi, le manche des premiers rasoirs blanc et orange est désormais entièrement strié pour une meilleure prise en main, et il existe depuis 1992 des versions bilames. Quant au briquet, le premier modèle à flamme réglable a été suivi par le « Mini-Bic » (1985), le briquet à flamme fixe et à décor (1990), celui à allumage électronique, sans oublier les séries limitées. La réussite tient également à un marketing efficace et à un contrôle du prix des ventes, une règle d’or pour Bic comme pour ses concurrents directs et nombre de fabricants.
je, tu, il consomme
Signe de la société de consommation, le jetable a connu son heure de gloire à la fin des années 1960. Il a même touché le mobilier avec des sièges en carton ou en PVC gonflables. La crise pétrolière et le début du mouvement écologiste auront raison de ces expériences. Mais des objets comme la lame jetable inventée par Gillette, le stylo à bille de Bic ou l’appareil photo jetable de Fuji perdurent. Synonymes de gain de temps et d’économie, ils facilitent la vie au plus grand nombre.
In : Claire Fayolle, Le design, pages 63-65, Éditions Scala, Paris, 1998