Publié dans « La Croix », n°17-568 du 17 mars 1902
Ainsi donc, un peu plus de deux ans après que M. Hector Guimard ait osé surmonter la descente de la station de métropolitain de La Muette d’un gigantesque éventail de verre – épouvantail, devrait – on dire, tant les synonymes de cet accessoire se limitent à frivolité, libertinage et licence morale-, ainsi donc la Compagnie de Chemin de fer Métropolitain de Paris daigne à nouveau faire appel aux supposés talents de ce monsieur. Nous nous élevions, il y a une année, contre la profanation commise par M.Guimard au cimetière du Père-Lachaise, et exigiions sa condamnation par la Justice. A ce jour, pourtant, l’irresponsabilité des autorités a permis à son blasphème – qui prend, ainsi que nous le rappelons, la forme d’un caveau de marbre noir, souple, tubulaire et malsain-, de subsister intouché, insulte écoeurante à notre Père. Le non-style de M.Guimard, que ses thuriféraires défendent en lui attribuant une valeur utilitaire, a pourtant, au départ dans ces colonnes avant que la France digne, la France patriote, ne suive la voie que nous avions empruntée, été en longueur critiqué pour ce qu’il était : une copie laide et brutale, dans des matériaux vulgaires, des irrégularités de la Nature. Ce laxisme des formes révélait, soulignions-nous, la désinvolture intellectuelle criminelle de son auteur, M.Guimard, à reproduire bassement ce qui ne le méritait pas, au lieu que d’employer les talents à lui confiés par son Créateur à Le louer, à la recherche de la perfection absolue. Car si perfection il y avait, on ne la pouvait alors trouver que dans la rigueur absurde des nervures factices dont M.Guimard se plaisait à affubler ses formes végétales monstrueuses. Les enseignements à nous révélés par le Seigneur qui guident nos pas vers le Paradis dans une existence faite d’abnégation, de sacrifices, de travail.Oui, le travail, qui nous sublime tout entier, dans la douleur qui nous rapproche de Lui, dans une spiritualité concentrée, notre âme à la poursuite de la béatitude. Et bien, c’est précisément ce labeur obligé de chaque homme que M.Guimard insulte aujourd’hui, dont la dernière réalisation nie ceux qui peinent, souffrent chaque jour, nos compatriotes qui travaillent. Adrien Bénard, président de la Compagnie du Chemin de fer Parisien, se targue d’avoir du goût. On ne saurait contester à un banquier, en effet, un goût prononcé pour l’argent. Mais lorsqu’il s’agit d’Art, le goût de M.Bénard n’est plus que douteux, et se doit d’être combattu. Après avoir autorisé – et payé – l’ « épouvantail » de la Muette, M. Bénard a hélas renouvelé sa confiance à M.Guimard. A la station Monceau, comme ailleurs dans Paris, le passant se voit insulté par les immondices pornographiques de M.Guimard.
Monsieur Guimard clame dans tout Paris qu’il ne désire rien d’autre que de » cacher la laideur en dessous » et clame en sus qu’à nouveau depuis Eiffel, l’Art peut avoir une valeur utilitaire. La performance monstrueuse de M.Eiffel au Champ de Mars, si elle est une verrue qui défigure Paris, possède au moins et en dépit de son matériau, une répétition parfaite des motifs, une rigueur, une dureté dont ne saurait aucunement se prévaloir M.Guimard. Monsieur Guimard agit sciemment, soyons-en conscients, et n’a d’autre objectif que d’entraîner nos concitoyens à partager sa perversion.
Les circonvolutions végétales de sa précédente » création « , à La Muette, nous choquaient, bien évidemment, par la lasciveté de ses formes propres à éveiller des idées de luxure chez les plus faibles de nos concitoyens. La limite vient hélas d’être dépassée et nous en appelons, avec vigueur et espoir, aux plus hautes autorités morales, religieuses et politiques de ce pays afin que cesse ce trouble à l’Ordre Public. Il s’agit de lutter avec force contre les provocations pornographiques du pervers M.Guimard.Les formes dont il habille l’entrée de la station Monceau – citation explicite de ses accointances avec le biologiste excommunié Andreu, récent découvreur des mitochondries, et dont il se dit l’un des proches – apparaissent maintenant comme des développements charnels honteux de la nature.
Quant aux deux branches qui encadrent le haut de l’escalier et s’envolent comme un réceptacle vers deux formes de verre polies, oblongues, sphériques, translucides et sanguines, il ne peut s’agir, eu égard à la métaphore que file M.Guimard depuis maintenant des années – et que nous combattons sans faille -, que de la représentation publique la plus odieusement insupportable du sexe féminin. Les récents propos de M.Guimard rapportés par » Combat « , ne sont à cet égard que plus clairs : » Le Métropolitain déplace les hommes dans la capitale comme les fluides se déplacent dans le corps humain, et j’ai voulu, par cette entrée, indiquer un seuil, un changement d’état pour l’homme, devenant une particule intérieure « . Ces propos anatomiques sont éloquents, et nous ne pouvons que souhaiter qu’ils vaillent à son auteur le châtiment que méritent ses oeuvres. Et quant à ses défenseurs, dont ce Joël Potier, journaliste à » Combat « , qui ne veut voir dans sa provocation que » l’évocation poétique et subtile d’ailes de libellules invitant au voyage « , on ne comprend que trop bien que la volonté qui les anime – et qui les animait déjà pour défendre la pornographie de M.Baudelaire il y a quarante ans -, vise à cacher aux yeux du peuple la réalité de ces oeuvres afin de mieux établir une société communautaire, permissive et désordonnée, sans guide. Les monstres tels que M.Guimard sont d’habitude pensionnaires de maisons spécialisées où la manifestation de leurs déséquilibres ne peut nuire à personne d’autre qu’eux, et où un personnel qualifié leur dispense une éducation persuasive propre à les ramener dans le droit chemin. Que leurs désirs non maîtrisés de répandre leurs vices dans la société soient facilités par ceux dont la charge imposerait qu’ils fussent les plus ardents défenseurs des intérêts de leurs concitoyens est, à ce titre, proprement scandaleux. Nous réclamons la destruction des oeuvres, la démission de M.Bénard, et l’internement immédiat de M.Guimard, et veilleront à ce que ces résultats soient atteints ».
Père Augustin Cottard Vicaire général