La maison de verre est un projet réalisé entre 1928 et 1931 par l’architecte-décorateur Pierre Chareau, l’architecte Bernard Bijvoet et Louis Dalbet (artisan ferronnier), située au 31, rue Saint-Guillaume dans le 7e arrondissement de Paris, pour le docteur Jean Dalsace, gynécologue et promoteur de la planification familiale.
Elle est son œuvre majeure, composée de trois étages, conçue comme un espace total, dont la façade sur cour est complètement vitrée : une structure métallique tramée soutient des panneaux en pavés de verre tandis que les chambres s’isolent par des portes-placards, en bois ou métal, qui coulissent ou pivotent. La structure (poutres et poutrelles en acier), les canalisations et conduits restent visibles et participent à l’architecture, transformant ainsi les éléments utilitaires de la maison en éléments décoratifs. Ont également été utilisées des dalles ou briques de verre séparant les espaces. Parfois, les mises en façades sont rythmées en contraste avec le béton (jeu de géométrie avec des influences japonaises, des répétitions formelles et une trame rythmique).
La nouvelle maison s’est glissée sous l’ancien hôtel particulier datant du XVIIIe siècle, car la locataire âgée du dernier étage ne voulait pas partir. Le journal le New York Times considère la maison de verre comme « The best house in Paris ». La répartition de la maison était quelque peu inhabituelle dans la mesure où elle incluait un rez-de-chaussée avec le cabinet médical du docteur Jean Dalsace. Ce schéma de circulation changeant était permis par un panneau rotatif qui cachait les escaliers privatifs de la vue des patients pendant la journée, mais laissait deviner les escaliers la nuit.
Le docteur Jean Dalsace (1893-1970) était militant pacifiste et membre du Parti communiste français qui a joué un rôle important dans les événements antifascistes et culturels3. Dans la deuxième moitié des années 1930, la salle de séjour de la maison de verre, très haute sous plafond, a été transformée en salon, lequel était régulièrement fréquenté par des intellectuels marxistes comme Walter Benjamin ainsi que des poètes et artistes surréalistes comme Louis Aragon, Paul Éluard, Jean Cocteau, André Masson, Max Ernst, Yves Tanguy, Joan Miró, Pablo Picasso et Max Jacob.
Selon l’historienne d’art américaine Maria Gough, la maison de verre a beaucoup influencé Walter Benjamin, particulièrement son interprétation constructiviste — plus qu’expressionniste — du projet utopique de Paul Scheerbart pour une future « culture du verre », pour un « nouvel environnement en verre (qui) transformera profondément l’humanité », comme ce dernier l’a exprimé dans son traité sur l’Architecture de Verre de 1914. Voir notamment l’essai de Benjamin de 1933 Erfahrung und Armut (Expérience et Pauvreté). Walter Benjamin estimait que « vivre dans une maison de verre est, par excellence, une vertu révolutionnaire ».