Gunta STÖLZL – Le développement de l’atelier de tissage du Bauhaus – 1931
Le transfert à Dessau a apporté à l’atelier de tissage, ainsi qu’à tous les autres ateliers et départements, de nouvelles conditions plus saines. Nous avons pu acquérir les systèmes de métiers à tisser les plus variés (Kontermarsch, métier à tisser à cadres, métier Jacquard, métier à nouer les tapis) et, en outre, nos propres installations de teinture. L’objectif de la formation générale était de libérer l’étudiant et de lui fournir une base aussi large que possible ainsi qu’une orientation pour une approche systématique de son travail.
Désormais, une distinction claire et définitive s’établit entre deux domaines de formation qui, au départ, étaient fusionnés : le développement de textiles fonctionnels destinés à l’aménagement intérieur (prototypes pour l’industrie) et l’expérimentation spéculative avec les matériaux, les formes et les couleurs dans les tapisseries et les tapis. Les textiles fonctionnels sont nécessairement soumis à des exigences techniques précises et limitées, mais néanmoins variables en matière de conception. Les spécifications techniques, la résistance à l’usure, la souplesse, l’élasticité, la perméabilité ou l’imperméabilité à la lumière, la solidité des couleurs et à la lumière, etc. étaient traitées de manière systématique en fonction de l’utilisation finale du matériau.
Les qualités esthétiques, l’exigence de beauté, l’effet des tissus dans une pièce et leur toucher sont beaucoup plus difficiles à définir objectivement. Qu’ils soient brillants ou mats, doux ou rigides, à la texture forte ou discrète, aux couleurs vives ou douces, tout cela dépend du type de pièce, de ses fonctions et, surtout, des besoins individuels.
Les outils du tisserand – le matériau, la couleur et le tissage – font l’objet d’améliorations techniques constantes. La laine, la soie, le coton et les fibres synthétiques (cellophane) sont continuellement améliorés grâce à de meilleures méthodes d’élevage et de culture, à des traitements mécaniques (filature, raffinage), à de nouvelles inventions scientifiques et à de nouvelles méthodes de teinture. La vitalité du matériau oblige les personnes qui travaillent dans le domaine du textile à essayer chaque jour de nouvelles choses, à se réadapter sans cesse, à vivre avec leur sujet, à l’intensifier, à passer d’une expérience à l’autre afin de répondre aux besoins de notre époque. L’expérience montre que nous avançons sur des voies utiles : l’influence culturelle de notre travail sur l’industrie textile et sur d’autres ateliers est aujourd’hui clairement visible. Ceux qui ont été formés par nous occupent aujourd’hui des postes de haut niveau dans des usines et des ateliers de tissage mécanique, ainsi que dans des écoles.
Seule une participation active à la résolution des problèmes changeants de la vie et du foyer permet de maintenir le travail éducatif et culturel de l’atelier de tissage du Bauhaus vivant et progressiste. Les tissus dans une pièce sont tout aussi importants dans l’ensemble architectural que la couleur des murs, le mobilier et l’équipement ménager. Ils doivent remplir leur fonction, s’intégrer et répondre avec une précision ultime aux exigences que nous imposons en matière de couleur, de matière et de texture. Les possibilités sont illimitées. La compréhension et la sensibilité aux problèmes artistiques de l’architecture nous montreront la voie à suivre. »
« The Development of the Bauhaus Weaving Workshop »
Gunta Stölzl
« The transfer to Dessau brought the weaving workshop, as well as all the other workshops and departments, new and healthier conditions. We were able to acquire the most varied loom systems (Kontermarsch, shaft machine, Jacquard loom, rug-knotting frame) and in addition our own dyeing facilities. The aim of the general education was to loosen up the student and to provide him with the broadest possible base and with a direction for a systematic approach to his work.
From now on, there begins a clear and final distinction between two areas of education that initially were fused with each other: The development of functional textiles for use in interiors (prototypes for industry) and speculative experimentation with materials, form, and colour in tapestries and rugs. Functional textiles are necessarily subject to accurate technical, and limited, but nevertheless variable design requirements. The technical specifications, resistance to wear and tear, flexibility, elasticity, permeability or impermeability to light, fastness to colour and light, etc., were dealt with systematically according to the final use of the material.
The aesthetic qualifications, the demand for beauty, the effect of woven fabrics in a room and the feel of it, are much more difficult to define objectively. Whether lustrous or flat, whether soft or severe, whether strong or subdued in texture, whether coloured brightly or softly, all this depends on the kind of room, its functions, and not least of all on individual needs.
The tool of the weaver the material, colour, and the weave – are subject to constant technical improvement. Wool, silk, cotton, the synthetic fibers (cellophane) are continuously being improved by better breeding and cultivating methods, mechanical treatment (process of spinning, refinement), new scientific inventions, and by new dyeing methods. The vitality of the material forces people working with textiles to try out new things daily, to readjust time and again, to live with their subject, to intensify it, to climb from experience to experience in order to do justice to the needs of our time . Experience shows that we are advancing along useful paths: The cultural influence of our work on the textile industry and on other workshops is clearly in evidence today. Those who have been trained by us are now occupying top positions in mechanical weaving mills and workshops and also in schools.
Only active participation in solving the changing problems of life and home makes it possible to keep the educational and cultural work of the Bauhaus weaving workshop vital and progressive. Woven fabrics in a room are equally important in the larger entity of architecture as the colour of the walls, the furniture and household equipment. They have to serve their purposes, have to be integrated, and have to fulfill with ultimate precision the requirements we place on colour, material, and texture. The possibilities are unlimited. Understanding of and feeling for the artistic problems of architecture will show us the right way. »