L’innovation passe beaucoup mieux à travers l’humour. Le problème du Bauhaus, c’est qu’il ne faisait jamais rire. C’était plutôt un sacerdoce. Le sérieux élimine une énorme possibilité d’ouverture, alors que l’humour déchire notre petite enveloppe, il nous rend plus réceptifs.
Mon travail s’en nourrit. Parfois, je recours à l’humour noir : notamment avec ce cendrier de 1969 en forme de main qui s’appelle Mano di dio, « La Main de Dieu », où le fumeur continue le travail du bourreau en écrasant la braise sur ce qui ressemble aux stigmates de Jésus-Christ. L’humour peut naître d’une analogie toute simple.
En 19921, j’ai créé une cafetière en aluminium qui s’appelle Vésuve. Les cafetières et les volcans fonctionnent à peu près de la même façon: le feu de la gazinière ou celui du noyau terrestre font bouillir un liquide. Ce liquide monte et jaillit au sommet. Ma cafetière a donc la forme d’un volcan, précisément celui de Naples, le Vésuve.
De nos jours, les cuisines sont des espaces aseptisés. Les cafetières sont depuis longtemps des objets qui reproduisent une forme vaguement industrielle ou, pire, s’inspirent de l’idéal pompier. J’ai essayé de remettre dans la cuisine un objet figuratif, analogique et drôle.
Gaetano PESCE, Réinventer le monde sensible, Abécédaire, avec Philippe Garnier, Éditions Buchet-Castel, 2017
Notes :- Le Fond National d’Art Contemporain, qui en conserve un exemplaire, date la cafetière de 1988-89[↑]