Gabriel MONTAGNÉ – Dnsep 2025
(…) La maquette n’est donc pas un objet inerte, mais bien un «work in progress». C’est tout d’abord, un excellent outil de validation : la maquette permet de vérifier les détails d’un projet de construction et d’avoir une vision de ce que sera le résultat final avant sa réalisation. Elle offre la possibilité d’apporter des modifications et d’explorer différentes options. Si un objet qu’on veut fonctionnel ne fonctionne pas au stade de la maquette, ou en prototype, ses chances sont quasiment nulles si on le réalise. J’ai eu la chance de faire l’expérience, lors d’un stage à l’atelier «FAU» il y a quelques années, de cet usage de la maquette. Plusieurs types de commandes revenaient souvent. La maquette comme outil de communication : d’immenses quartiers très détaillés aux balcons fleuris, pour des salons de l’immobilier où le but premier était de convaincre, de séduire le visiteur. Elle offre un terrain d’expérimentation où les concepteurs peuvent tester et affiner leurs idées, faisant ainsi le lien entre la pensée abstraite et la réalisation pratique. Ainsi cette même agence «Fau» était chargée de concevoir la maquette du musée du Grand Siècle de Rudy Ricciotti, et je me rappelle la facilité avec laquelle les maquettistes et les architectes interchangeaient les façades, afin de tomber sur une teinte qui convenait à tous. Pourtant, la maquette est surtout un objet spéculatif, c’est à dire qui n’a pas obligatoirement vocation à être réalisé, mais permet de visualiser et d’explorer des idées abstraites avant leur éventuelle réalisation concrète. Elle sert d’outil de réflexion et de projection pour les architectes et les concepteurs. Un exemple revient souvent : les maquettes pour les concours d’architecture, blanches, où seule l’essence même du projet est importante. Pourtant, la maquette de Libeskind pour le projet Berlin city edge, qui brouille un peu la compréhension par ses formes géométriques et son revêtement de texte, est elle aussi maquette d’architecture car le choix de ce matériau particulier -le texte- participe pleinement du message porté par le projet. La nature spéculative de la maquette réside ainsi dans sa capacité à incarner des idées abstraites et à permettre une réflexion théorique sur l’espace et la forme. Dernier enjeu pour les maquettes : représenter des lieux ou bâtiments anciens ou disparus, et devenir ainsi un outil pédagogique de premier plan. J’ai pu moi même réaliser en 2023 pour le Mémorial des déportations de Marseille, à la demande de sa directrice Madame Laurence Garson, une maquette qui donnait à voir le Vieux-Port de Marseille en 1943, sous l’occupation allemande. Le projet était de remplacer par des cendres les quatorze hectares du quartier du Panier détruits par les soldats allemands et de nombreux gendarmes français. Seuls cinq bâtiments précis du quartier nord du Vieux Port ont été épargnés. Une fois le quartier détruit, ses habitants seront déportés dans des camps. Dans le prolongement de ce type d’action, je travaille actuellement pour mon diplôme, en relation avec l’association «Noailles debout», sur une grande réalisation du quartier de Noailles où j’habite. À la suite d’une conférence du journaliste Anthony Micallef sur les tragiques événements de 2018 de la rue d’Aubagne, j’ai souhaité mettre en évidence les bâtiments en arrêté de péril imminent qui quadrillent le centre ville. Il s’agira donc d’une maquette de prévention, un constat, qui prouve que, sur leurs trajets quotidiens, les citadins traversent tous des périmètres jugés potentiellement dangereux, autour de ces 42 immeubles, dans ces 22 rues.