Le travail de Faustine Falaise semble traversé par trois préoccupations, trois thématiques liées qui s’enchainent et découlent l’une de l’autre.
La mise en tension, l’enfermement, l’exhibition.
Il faut d’abord décrire les objets, les dispositifs:
Une colonne blanche, compressée entre le sol et le plafond se fend sous l’action de cette force, faisant apparaitre une cavité, un trou situé à mi-hauteur, où il est possible de s’installer au dessus de la mêlée, pour méditer et regarder le monde, mais aussi être vu s’extrayant pour regarder le monde.
Une sphère suspendue, fabriquée par la mise en tension physique et bien réelle cette fois, de fers à béton au moyen d’anneaux du même matériau rugueux, strié. Les assemblages sont réduits à leur plus simple expression, des liens de corde, tendus à l’extrême sous les forces contraires qui s’affrontent dans l’objet et le constituent au final. Pas de souci de faire joli, une simple mise en œuvre efficace, sans mensonge. À l’intérieur de cette sphère, de longs coussins triangulaires, pointus, peut-être noirs, simulent une possibilité de confort, de réconfort après l’effort fait pour s’extraire du monde et gagner cette cage (La version finale verra les coussins remplacés par de la paille, dans un même souci de confort relatif). La tension est palpable, l’acier est bandé, la corde grince contre les barres et anneaux. La cage menace de se refermer d’un coup sec, tel un piège, sous les efforts auxquels elle est soumise. Là aussi, celui qui veut utiliser doit accepter de s’exhiber, d’être vu utiliser le dispositif. (idem pour le vibrator, banc vibrant au moyen de fréquences sonores.)
Des « cocons » suspendus dans une salle, réalisés par un écheveau de corde ou ficelle ou lacets, dans lesquels on peut s’installer. Au sol, une multitude de vanités, fragiles moulages de plâtre que l’on ne peut éviter de devoir piétiner pour parcourir l’installation et gagner les « cocons ». Ici, c’est le corps lui-même qui réalise la mise en tension de l’objet, par son poids propre. Suspendu dans cette masse de fils qui le marque, le strie, l’entaille, le corps est montré dans l’attente de sa transformation, de sa mue douloureuse, à l’écoute du texte de Michel Onfray, le souci des plaisirs. La contrainte du corps dans cette nasse et les traces qui marqueront le corps à la sortie de cette « épreuve » ne sont pas sans rappeler celles que laissent les cordes, les liens dans la pratique du bordage.
Un lit double, surmonté dune structure telle un baldaquin plaqué au plafond. De ce pseudo baldaquin pendent des milliers de fils qui s’arrêtent quelques centimètres au dessus du matelas, ménageant un espace où l’on peut se glisser,pour être caressé par eux. Peut être s’agit-il de retrouver la sensation de la caresse des longs cheveux de la mère venue faire le dernier baiser avant l’endormissement? Est-ce le fantasme de milliers de sexes masculins caressant le corps? Ou bien, c’est une expérience exquise d’excitation, dans toutes les acceptations du terme, jusqu’à la limite du supportable. L’impression d’enfermement est là aussi présente, par les milliers de fils qui strient l’espace au dessus du corps, et ferment la vue vers l’extérieur.
Le corps, réceptacle possible de tous les plaisirs, est montré dans sa lutte pour se libérer du carcan des conventions, refoulements, tensions qui l’enferment au propre et au figuré. On peut penser ici au projet burqa-corset, superposition de deux entraves culturelles.
Des bijoux intimes, boule de geisha devenant colliers etc…
Là aussi, il y a la volonté de revendiquer le droit au plaisir, d’exhiber ce qui est habituellement caché, inavoué, refoulé. La tension érotique est palpable, tant pour celui/celle qui porte les objets que pour celui/celle qui comprend tout à coup le circuit qu’effectue ce collier un peu particulier.Idées que l’on retrouve aussi dans un projet d’outils dont les manches sont des godemichés, pour rester dans un domaine plus physiquement sexuel. Dans la performance « Fermob », le strip-tease d’un travesti est projeté en ombre chinoise dans l’espace de la rue, au travers d’un rideau striant la projection. L’espace public est alors métamorphosé par l’apparition d’un spectacle de cabaret archetypal. D’un érotisme suranné et bon enfant, la projection produit néanmoins une tension érotique palpable, par le déplacement du lieu de son exhibition loin de son « environnement » naturel.
Son travail est visible IÇI
Le Kiosque à mp3, en collaboration avec Emma Hazevis.
Instantanés d’installation