Verner Panton (1926-1998), Danemark, 1954-1960
Production Vitra, RFA, pour Herman Miller Furniture Company, États-Unis, 1960-1979 ; Horn GmbH Co, RFA, 1983-1989 ; Vitra, RFA, depuis 1990
Au début des années 1950, ce qui conduit un jeune diplômé de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark à continuer les recherches autour du siège en porte à faux menées par Gerrit Rietveld au long des années 1930, c’est l’arrivée sur le marché de nombreux matériaux de synthèse dont la mise au point a largement bénéficié de l’effort de guerre. Pourtant, lorsqu’il reprend à son compte l’idée du siège Zigzag, Panton s’intéresse d’abord à la version en contreplaqué moulé conçue par Rietveld vers 1938. Le matériau ayant évolué, c’est une réplique qui a gagné en souplesse et en confort qu’il obtient en 1955. La feuille de contreplaqué est plus fine et le dossier offre au dos l’agrément d’une courbure. La fabrication de ce siège ayant confirmé l’intérêt que présente la poursuite de l’expérience, c’est désormais vers l’utilisation des plastiques que va s’orienter la démarche de Panton. En 1958, avec le concours de la société danoise Acrylic Teknik, un prototype est fabriqué d’après un dessin de 1954 qui ramène la forme en S à la nappe souple, continue et enveloppante d’un matériau composite inconnu dans les années 1930, à savoir le polyester armé de fibre de verre. Ce prototype sera exposé au Mobilia Club d’Eriksholm. La forme étant définie dans ses grandes lignes, il lui faut choisir le matériau qui convient le mieux mécaniquement et esthétiquement. Là commence une longue quête et, faute de trouver un éditeur dans l’immédiat, Panton retourne au siège en contreplaqué moulé édité par Thonet. En 1962, le designer contacte la société Vitra (Fehlbaum production), qui entreprend l’étude et la fabrication du siège, qui doit être diffusé par Herman Miller Furniture Company.
Plusieurs prototypes en polyester armé de fibre de verre sont réalisés entre 1960 et 1967. L’utilisation de ce matériau se révélant au bout du compte inadéquate, parce qu’il est trop cassant, le Baydur (mousse à peau résistante de polyuréthane rigide de la Bayer Leverkusen Company) le remplacera. Mais son temps de polymérisation étant jugé trop long, l’ABS Luran-S de BASF va lui succéder en 1970, qui induit un processus de fabrication totalement différent. La chaise est disponible, teintée dans la masse, en sept couleurs. Ce thermoplastique nécessite, pour sa mise en œuvre, une presse à injecter de grande capacité. La souplesse du siège ainsi obtenu oblige à la présence de nervures de renfort sous les genoux, là où les sollicitations mécaniques sont les plus fortes. Elles altèrent donc la forme pure préservée jusque-là. En 1979, Vitra abandonne la production de la chaise, dont la licence retourne à Verner Panton. En 1983, Horn GmbH G Co. reprend la fabrication du siège, devenu historiquement fameux, en revenant à la mousse de polyuréthane. Le matériau et sa mise en œuvre ayant progressé, il apparaît alors plus adapté à l’expression formelle du siège. C’est celui que Vitra choisira en 1990, en assurant désormais la fabrication et la diffusion. Bel exemple d’une forme préconçue à la recherche heureuse du matériau idéal pour sa production industrielle.
Le 12 novembre 1996, l’auteur du présent ouvrage rédigeait cette brève histoire de la chaise Panton, sans savoir que le périple n’était pas terminé, puisque, en 1999, Vitra allait adopter le polypropylène pour continuer la diffusion d’un siège qui, dans sa forme, sinon dans sa matière, connaît une incroyable longévité. À quand le prochain matériau ?
Raymond Guidot, Histoire des objets. Chroniques du design industriel, Éditions Hazan, Paris, 2013