La Castellane
La Castellane est une cité des quartiers nord de Marseille. Elle abrite entre six mille et huit mille habitants dans des tours et des barres d’immeubles. La vue sur la baie de l’Estaque est imprenable. Zinedine Zidane a grandi dans cette cité, dont les parents sont nés en Algérie.
La cité a été construite entre 1969 et 1971 dans le 16e arrondissement. Ce grand ensemble urbain a été bâti sur les hauteurs de Marseille, au pied des collines pelées de Verduron. Ce quartier de 1 250 logements est tout proche de l’autoroute qui file sur Martigues. Pas très loin se trouve une autre autoroute qui va à Aix-en-Provence.
« La population de la Castellane est majoritairement jeune, constituée de familles nombreuses, essentiellement d’origine étrangère, souvent pauvre. Le taux de chômage approche les 40 % à la Castellane. Et les deux tiers des jeunes n’ont pas atteint le niveau du bac.Certains disent que la Castellane est le supermarché du cannabis à Marseille. 1 000 consommateurs en moyenne passeraient chaque jour dans le quartier pour s’approvisionner comme dans une sorte de “drive”. Pour les servir, des bandes de trafiquants dont le chiffre d’affaire quotidien tournerait autour de 40 000 à 50 000 euros, d’après la police. »
En regardant la première fois les photos de ce site, j’ai été surpris par la densité de ces bâtiments construits sur une falaise avec superbe vue sur mer. L’ensemble des bâtiments ont comme été insérés de force dans la ville : j’ai essayé d’imaginer enlever quelques-uns de ces appartements, de les retirer du bâtiment afin de créer de nouveaux espaces à travers lesquels on pourrait voir la ville en le rendant un peu transparent et en minimisant l’intensité des appartements.
Depuis mes premiers jours en France, j’entends tout le temps des gens parler de ségrégation, de racisme, d’intégration… Cela ne m’a pas arrêté, du moins j’ai essayé de ne pas y penser et en même temps, je ne ressentais pas ce racisme dont ils parlaient. C’était peut-être à cause de mon « mauvais » français dans mes communications quotidiennes. Il est vrai que parfois, je peux rencontrer une personne vulgaire ou agressive, mais pour moi, cette personne est peut-être seulement dans un mauvais jour, mais aux Émirats Arabes Unis la société est mélangée avec des centaines de nationalités différentes, mais la plupart des communications entre les gens concernent les affaires et les gens s’évaluent les uns les autres par le montant d’argent qu’ils ont. la plupart des gens sont enfermés dans leur vie privée et leur environnement social étroit et en même temps chacun doit traiter avec les autres d’une manière ou d’une autre. En Syrie, nous ne parlons presque pas de racisme ou de ségrégation, mais peut-être que les Syriens/Kurdes le font…
Ma visite de La Castellane
Avant d’aller à La Castellane, je cherchais dans google-maps comment m’y rendre en voiture puis où je devais stationner pour ensuite me rendre à pied jusqu’au quartier. J’ai cliqué sur street — view pour mieux voir à quoi ressemblent les rues, et j’ai tout de suite remarqué que le caméraman de google n’a pas circulé entre les bâtiments : il a seulement pris des photos de toutes les routes principales qu’il y a autour, puis il est entré de seulement quelques mètres à l’intérieur de la tour K. J’ai été surpris de trouver quelques photos de deux jeunes filles sur un scooter, qui parlent avec un homme au visage couvert, puis l’une d’elle est montée à l’étage et l’autre attendait toujours sur le scooter. De toute évidence, c’était l’une des transactions de drogue dont j’avais entendu parler. Quelle coïncidence ! Ces photos sont explicites.
J’étais un peu inquiet d’aller là-bas seul (sans raison). J’y ai trouvé une mosquée, et j’ai décidé d’y aller un vendredi, à l’heure de la prière afin de rencontrer le moins de monde possible. Je suis entré dans le quartier par la tour K, « considérée comme la tour plus problématique » à Marseille à cause du trafic de drogues. Juste après avoir dépassé la tour et en longeant la mosquée, un jeune homme m’a salué et m’a demandé si je voulais du « shit » : je lui ai simplement répondu « Alsalam Alaykom ». il a été surpris, je pense qu’il a compris que j’allais à la mosquée et il m’a répondu « excusez-moi ». J’ai pris cela pour une sorte de respect. La mosquée est située à l’intérieur d’un groupe de bâtiments résidentiels, en rez-de-chaussée. Comme je n’avais pas de place à l’intérieur, je suis resté dans la rue, où ils ont disposé plusieurs tapis de prière. J’ai attendu environ 15 minutes pour la « Kotba », et pendant ce temps je regardais les alentours. J’ai pour la première fois réalisé la pauvreté de certaines personnes en France.
Les rues, le pavement et les bâtiments semblent morts, seuls les mouvements des personnes (vivants) ici rendent ce lieu vivant. La plupart des chaussures à l’extérieur de la mosquée sont vieilles, il y avait également beaucoup de chaussons…
Le « Kotba » a commencé en arabe formel, puis en français. C’était amusant pour moi d’entendre deux langues pour le Kotba. Cela parlait de l’histoire de l’Islam, puis de la manière « Halal » de gagner de l’argent et tout cela était destiné aux jeunes. Mais il n’y avait pas beaucoup de jeunes, seulement des enfants venus avec leurs parents ou des quarantenaires et plus…
J’ai écouté la prière jusqu’à la fin, je me sentais plus à l’aise dans le quartier, toutes les personnes se sont dispersées dans toutes les directions. J’ai marché un moment le long des bâtiments, tout est compact et répétitif, des murs entiers avec de petites fenêtres. Partout il y a des déchets abandonnés, les façades sont couvertes de « patch » de maintenance, les balcons encombrés de bric-à-brac. La plupart des appartements en rez-de-chaussée sont protégés par des barreaux de fer, comme les entrées principales des bâtiments. Les parkings ne sont pas très bien organisés, les voitures sont donc garées un peu n’importe où entre les bâtiments… Il y avait quelques magasins ouverts, comme un café et une petite épicerie. Mais ils n’avaient rien à vendre…
À l’angle d’un autre bâtiment, il y avait des gens cagoulés, je suis passé devant eux, mais ils ne m’ont rien proposé.
C’était très étrange pour moi de voir quelque chose comme ça. Puis j’ai vu une vieille chaise posée sur le trottoir, elle a l’air d’être « en service » vu la façon dont elle est placée. Je suis ensuite arrivé sur la route principale, presque en dehors du quartier, et ici aussi un autre vieux canapé avec un jeune homme au visage masqué, confortablement installé face à la route principale. J’ai compris que c’étaient les « chouffe » qui surveillaient et portaient les marchandises en cas d’attaque policière. Je voulais prendre des photos, mais j’avais tellement peur de tenir mon téléphone dans la rue, on dirait un petit village où tout le monde se connaît, je me sentais comme un étranger, je devais avoir l’air idiot et je faisais semblant d’avoir un appel pour pouvoir prendre des photos. C’était une mauvaise idée, les photos étaient tordues et floues, quand je me suis rapproché de certaines personnes auprès desquelles je me suis arrêté, j’essayais d’éviter que quelqu’un vienne me voir et me demande pourquoi je prends des photos. J’avais également peur que quelqu’un me jette quelque chose sur la tête depuis l’étage. J’ai marché à travers un parc, et arrivé en haut, j’ai regardé une dernière fois cet endroit : je n’ai rien vu d’autre qu’un immense toit gris, saturés d’antennes dans un sale état.