Anaïs MAUREL – Dnsep 2025
Le textile, longtemps cantonné au domaine domestique et aux tâches ménagères, a été réévalué comme un élément précieux de la culture, incarnant le matrimoine immatériel. Pendant des siècles, les textiles produits par les femmes (tapisseries, broderies, nappes, couvertures, …) étaient considérés comme mineurs, relégués au cadre domestique. Cependant, avec le développement des études féministes et de l’histoire sociale au XXe siècle, le travail textile est devenu un sujet d’intérêt académique et artistique. On a commencé à reconnaître la complexité, la créativité et la valeur de ces savoir- faire ancestraux. Cette reconnaissance a permis d’intégrer ces objets dans la notion de matrimoine. Le textile domestique est chargé de symboles et d’histoires personnelles. Chaque pièce témoigne des événements et de la vie quotidienne de celles qui l’ont confectionné ou possédé. En transmettant ces objets à travers les générations, les femmes ont contribué à tisser un lien mémoriel qui forme le matrimoine familial, et qui devient un vecteur d’identité et de transmission culturelle.
Le matrimoine est un terme ancien qui a une histoire politique et qui a été redéfini lors de sa réapparition au XXIème siècle. Au Moyen- Âge, ce terme désignait les biens hérités de la mère, au même titre que le patrimoine constituait l’héritage venant du père. Ce terme est tombé dans l’oubli avant d’être évincé de la langue française. Le matrimoine est l’histoire des femmes et surtout l’histoire d’une disparition. Son radical s’est alors retrouvé restreint à la sphère privée, avec l’adjectif matrimonial, foyer vers lequel les femmes ont été enfermées. Seul le mot patrimoine a continué à exister, en s’imposant peu à peu comme l’héritage culturel commun à toute la société. À partir des années 2000, la notion réapparaît dans un sens nouveau sous la plume d’auteur.e.s souhaitant souligner le rôle des femmes dans le développement culturel. Le matrimoine décrit désormais l’héritage culturel légué par les générations de femmes précédentes. Ce terme a été réhabilité sous cette définition en raison des inégalités de genre qui subsistent dans la sphère culturelle. Je considère qu’il faut valoriser ce matrimoine, héritage retrouvé de créatrices oubliées, afin de créer un avenir et un devenir pour les artistes femmes, à travers de nouveaux modèles d’identification. La réhabilitation du matrimoine démontre que l’Histoire est une discipline mouvante, qui se construit en regard des rapports sociaux et de genre. C’est dans cette logique que les femmes ont été invisibilisées. La doxa continue de poser le genre féminin comme anti historique, sans passé, ayant tout à construire. Pourtant les femmes ont toujours été présentes dans l’Histoire, et cela malgré la volonté de les cantonner à la sphère privée. Malgré une société où le génie artistique s’accorde exclusivement au masculin, les femmes créent.