Adieu cohérence
Arrive l’hiver. En « cohérence » avec moi-même, je mène une vie « cohérente ». Comme moi, des milliers d’architectes « cohérents » théorisent leur propre « cohérence » sous la pluie froide, pendant que sur le territoire volent, tels de tristes oiseaux migrateurs, des groupes d’urbanistes « cohérents ». Cependant, la solution projectuelle « cohérente » pue le cadavre, la solution scientifique est désormais impie. La chronique même de nos journées, telle qu’elle nous est transmise par les quotidiens, raconte la progression arithmétique des erreurs sacrifiées sur l’autel de la « cohérence ». « Cohérence » signifie déduction, et déduction signifie captivité: l’expression libre de chaque chose, pourvu que ce soit à l’intérieur de la prison « cohérence » ! Est-il possible que le résultat architectural soit entièrement empri sonné là ? « Cohérence » : méthodologique – linguistique – idéolo- gique – technique – historique. Notre symbole, obsession, rhétorique. Pourquoi ne pas éprouver le frisson de la contradiction? Une hypothèse hallucinée: se réveiller soudainement tous « incohérents », prêts pour une saison « incohérente ». Dire: la vie projectuelle est seulement un mode de la vie humaine, et donc: complexe – simple – sublime – banale – morale – immorale – hors échelle – paradoxale – indéterminable – sérieuse – ridicule – mesquine – etc. – etc. – etc. En tout cas, vivante seulement si elle est faite de toutes ces choses hybridées ensemble, si elle est vécue par tous, si elle est infiniment contradictoire.
Casabella, année XXXVI, nº 371, novembre 1972, p. 5 [SC 512)