« Tout ce qui s’est passé d’important dans ma vie est lié au fait que j’étais très en colère contre une certaine attitude, une certaine autosatisfaction d’une bourgeoisie très compétente, mais qui se considérait comme ce qu’il y a de mieux au monde, puisque en plus on était français donc fortement supérieur au reste de l’humanité.
Dès mes dix-huit ans, je trouvais ce comportement loufoque, consternant et extraordinairement étroit. Finalement, si je m’intéresse aux lieux publics, si j’ai des idées sur ce qu’est une chambre, elles ne sont ve- nues que de là. Je ne voulais plus de ce système, de ce panache à la française. Je ne voulais pas de leurs décorations, de leurs salons, de leurs collections, de leur façon de raconter au monde à quel point ils étaient cultivés, intelligents, remarquables…
Dès ma prime enfance, j’ai voulu changer tout cela; mes parents étaient déjà des gens un peu révoltés, j’appartenais à la deuxième génération de gens qui voulaient changer beaucoup de choses dans le monde parce que rien ne va plus, il y a trop d’injustices… Ce n’est pas toujours constructif, c’est beaucoup de douleur, ça marginalise. Mon approche de ce métier, de ce qui m’intéresse, est un accident. »
Andrée Putman, Azimuts n°16 « Métissage », 1999
Cette vision du monde sophistiquée issue d’un art de vivre intelligemment m’a prouvé que le design peut avoir une portée politique, économique, sociale, esthétique, éthique et cinétique. Je crois que, n’étant pas satisfaite de la façon dont tournait le monde, je me suis embarquée dans cette grande famille de créateurs prêts à bousculer l’ordre des choses.
J’ai choisi de faire du design (au détriment des lettres ou de l’art), car je pense que nous pouvons « changer les choses » qu’à condition de savoir nous adapter à l’environnement dans lequel nous vivons. J’envisage le design dans le respect de l’environnement humain : il ne doit pas être créé dans l’optique d’industrialiser un environnement, mais plutôt de s’y intégrer en suivant l’évolution du progrès.
Un design dit « humain », qui trouve naissance dans le récit est d’une part une réflexion autour de la technicité, de l’optimisation des matériaux et des formes tout en exposant l’utilisateur à un imaginaire créatif, et d’autre part un moyen efficace d’anticiper sur le devenir du monde et de la société particulièrement.
Par ailleurs, la perception sensible joue pour moi un rôle majeur dans le design qui vient du désir de communiquer avec le monde : ce que l’on en perçoit passe par des textures, des matériaux, des couleurs… qui, à leur tour, deviennent un élément clef de l’esthétique de l’objet ; si une texture particulière est choisie alors elle doit faire sens à travers l’objet. Ces termes qui font écho à ma vision du design et à la manière dont j’envisage mon travail, sont pour moi une manière de prendre ma place dans un environnement commun. De plus, le travail analytique du designer me permet de créer de la manière la plus pertinente possible afin que mes propositions puissent faire écho à la diversité des individus.
Jury Dnap 2017
Présidente : Aurelie Mathigot, Artiste
Norbert Truxa : Designer, Chercheur
Axel Schindlbeck : Designer, représentant l’Esadmm